21.03.2024

Abandon de créance : caractère commercial ou financier

Difficulté paratique de qualification de l'abandon de créance

L’article 39, 13 du Code général des impôts prévoit que sont exclues des charges déductibles pour l’établissement de l’impôt les aides de toute natures consenties à une autre entreprise, à l’exception des aides à caractère commercial.

Il existe quelques exceptions à cette mesure d’exclusion notamment pour les aides consenties dans le cadre d’une procédure de conciliation en application d’un accord constaté ou homologué dans les conditions prévues à l’article L. 611-8 du Code de commerce et pour celles consenties aux entreprises pour lesquelles une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaires est ouverte.

Dans les faits, une société ayant une activité informatique a concédé à sa filiale une licence d’utilisation de son savoir-faire relatif à une technologie concernant la fabrication de produits à partir de matériaux composites. Il n’était pas prévu le versement de redevances pour cette concession mais les perfectionnements apportés par la filiale au savoir-faire concédé par la mère demeuraient la propriété exclusive de cette dernière.

En raison de difficultés financières de sa filiale, la mère lui a consenti un abandon de créances dont la déductibilité a été remise en cause par l’administration au motif qu’il ne remplissait pas les conditions de l’article 39, 13 du CGI.

Ce raisonnement a été confirmé par la Cour Administrative d’Appel de BORDEAUX qui a jugé :

-     d’une part, que l’abandon ne présentait pas un caractère commercial ;

-     d’autre part, que les conditions de déductibilité des aides consenties aux entreprises pour lesquelles une procédure de sauvegarde est ouverte n’étaient pas remplies dès lors que l’ouverture de cette procédure était intervenue ultérieurement à la décision d’octroi de l’abandon de créances.

Pour la CAA, les perfectionnements apportés par la filiale n’ont pas permis à la société mère de générer de chiffre d’affaires au cours de la période considérée ni au cours des années ultérieures. Il y a donc absence d’une relation commerciale entre les deux sociétés pour les juges du fond.

Le Conseil d’Etat a annulé pour erreur de droit la décision de la CAA.

Dans un premier temps, il considère que pour l’application des dispositions de l’article 39, 13 du CGI, la circonstance qu’une aide soit motivée par le développement d’une activité qui, à la date d’octroi de cette aide, n’a permis la réalisation d’aucun chiffre d’affaires est néanmoins susceptible de conférer à l’aide un caractère commercial lorsque les perspectives de développement de cette activité n’apparaissent pas, à cette même date, comme purement éventuelles.

Le Conseil d’Etat apporte donc une précision à la notion d’aide à caractère commercial. En effet, selon la jurisprudence antérieure, un abandon de créances trouvant son origine dans les relations commerciales entre deux entreprises et consenti pour maintenir des débouchés ou préserver des sources d’approvisionnement est généralement considéré comme une aide à caractère commercial présentant un caractère normal.

Le Conseil d’Etat poursuit en utilisant la notion de caractère prépondérant de l’abandon de créance. En effet, à la date à laquelle l’abandon a été consenti, l’activité informatique de la société mère présentait un caractère résiduel alors que les perspectives de développement commercial de la nouvelle technologie avec sa filiale apparaissaient sérieuses. La Haute juridiction a donc jugé que l’abandon de créances devait être regardé comme revêtant à titre prépondérant un caractère commercial bien qu’il pouvait avoir été motivé pour partie, compte tenu des difficultés financières rencontrées par la filiale à cette époque, par des considérations d’ordre financier.

Cette solution du Conseil d’Etat montre ainsi la difficulté qu’il peut y avoir à distinguer entre les abandons de créance à caractère commercial ou à caractère financier dans les situations où motivations commerciales et financières s’imbriquent.

Il faut alors déterminer les motifs prépondérants de l’abandon de créances et le plus souvent, le caractère commercial de l’aide va absorber le caractère financier ce qui la rendra déductible.

Source : CE 26 juillet 2023 n°463846