11.01.2024

Assujettissement aux cotisations sociales des dividendes d’une SEL remontés à une holding

Professions libérales : vers un élargissement de la base des cotisations sociales TNS ?

Pour rappel, l’article L. 131-6, III.2° du Code de la sécurité sociale prévoit que les cotisations de sécurité sociale dues par les travailleurs indépendants non agricoles comprennent la part des revenus mentionnés aux articles 108 à 115 du Code général des impôts perçus par le travailleur indépendant non agricole, son conjoint ou le partenaire auquel il est lié par un pacte civil de solidarité ou leurs enfants mineurs non émancipés qui est supérieure à 10% du capital social et des primes d’émission et des sommes versés en compte courant détenus en toute propriété ou en usufruit par ces mêmes personnes.

Cette règle s’applique depuis le 1er janvier 2009 pour les dirigeants et associés de SEL qui exercent une activité non salariée et relèvent, de manière obligatoire, d’un régime de protection sociale des travailleurs indépendants non agricoles.

Sont concernés depuis le 1er janvier 2013 certains dirigeants de sociétés soumises à l’IS dès lors qu’ils relèvent, de manière obligatoire, du régime de protection sociale des travailleurs indépendants non agricoles.

La Cour de cassation vient de faire une lecture extensive de cet article du Code de la sécurité sociale et considère que « les bénéfices de la société d’exercice libéral (SEL), au sein de laquelle le travailleur indépendant exerce son activité, constituent le produit de son activité professionnelle et doivent entrer dans l’assiette des cotisations sociales dont il est redevable, y compris lorsque ces bénéfices sont distribués à la société de participations financières de profession libérale qui détient le capital de la société d’exercice libéral ».

Autrement dit, la Cour de cassation considère que la personnalité juridique distincte de la SPFPL n’est pas opposable en matière de cotisations sociales.

Il y a donc lieu de considérer que la totalité du bénéfice distribué par une SEL, indépendamment du fait que ce bénéfice ait été perçu directement par le professionnel libéral à titre personnel, ou remonté à sa société holding, est à prendre en compte pour déterminer la quote-part des revenus soumis aux cotisations de sécurité sociale dues par les indépendants (non agricoles).

Dans l’affaire, le débat portait sur des dividendes versés par la SEL mais la rédaction de la décision de la Cour de cassation parle des « bénéfices de la société d’exercice libéral » et va donc beaucoup plus loin.

Cette décision va faire perdre de son intérêt au montage impliquant une SPFPL au-dessus d’une SEL. Même si les dividendes bénéficient éventuellement du régime mère-fille et sont faiblement fiscalisées, leur assujettissement à cotisations sociales rendra très couteuse la circulation des fonds au sein de ces groupes.

Cette décision entraîne diverses autres interrogations :

-     sa durée d’application ? Cette décision va-t-elle être confirmée par d’autres décisions ? Le gouvernement va-t-il en prendre acte et modifier l’article L. 131-6 du code de la sécurité sociale ?

-     son application aux SEL ayant plusieurs associés ? Dans l’affaire jugée, la SEL avait un associé personne physique à hauteur de 1% et la SPFPF de celle-ci à hauteur de 99% (personne physique avec conjoint). Quelle serait l’application de la décision de la Cour de cassation a une SEL ayant plusieurs associés : faudrait-il reconstituer la rémunération du travail de chaque professionnel libéral indépendamment de la quote-part du dividende remonté ?

-     son application aux gérants majoritaires de SARL détenant leurs titres via une holding ? L’article visé concerne également les gérants majoritaires TNS de SARL depuis le 1er janvier 2013. Y a-t-il un risque de les inclure prochainement dans cette solution ?

-     le double assujettissement en cas de distribution par la société holding ?

Source : Cass Civ, 19 octobre 2023 (21-20.366)