01.06.2023

Cession de clientèle et exonérations de plus-values

Focus sur les régimes d'exonération de plus-values professionnelles

1er dispositif : Les plus-values réalisées lors de la cession d'une branche complète d'activité sont exonérées d'IR ou d'IS, à condition que l’activité ait été exercée pendant au moins 5 ans à la date d’acquisition ou de création de la branche cédée et que la valeur des éléments transmis n'excède pas 1 000 000 €. Dans la limite comprise entre 500 000 € et 1 000 000 €, l'exonération est partielle (article 238 quindecies du CGI). Ce dispositif d'exonération optionnel s'applique également aux prélèvements sociaux.

Pour l’application de ce dispositif d’exonération, la notion de « branche complète d’activité » est entendue comme en matière d’apports partiels d’actif soumis au régime visé à l’article 210 B du CGI. Elle se définit donc comme l’ensemble des éléments d’actif et de passif d’une division d’une entreprise ou d’une société qui constituent, du point de vue de l’organisation, une exploitation autonome, c'est-à-dire un ensemble capable de fonctionner par ses propres moyens.

Signalons que la notion de branche complète ne recouvre pas un ensemble d'éléments d'actif ou de passif isolés. N'entrent pas dans le champ du dispositif d'exonération les opérations portant exclusivement sur la cession de marques ou droits de propriété industrielle, de matériels ou installations, de clientèle ou de droit au bail.

Selon le Conseil d'État, l'existence d'une exploitation autonome doit être établie aussi bien chez le cédant que chez le cessionnaire et la transmission de la branche d'activité doit opérer un transfert complet des éléments essentiels de cette activité tels qu'ils existaient dans le patrimoine du cédant et dans des conditions permettant au cessionnaire de disposer durablement de tous ces éléments.

La cour administrative d’appel de LYON s’est récemment fondée sur ces dispositions pour apprécier si la cession de clientèle d’une société d’expertise comptable pouvait être assimilée à une branche complète d’activité pouvant bénéficier du dispositif d’exonération prévu à l’article 238 quindecies du CGI.

Dans l’affaire visée, une SARL d’expertise comptable a cédé par acte sous seing privé le 29 novembre 2013 le droit de présentation d'une partie de sa clientèle, dans une proportion non discutée d'environ 25 %, au bénéfice d'une associée souhaitant quitter la société. Selon les termes de l’acte sous seing privé, la cession excluait le droit au bail des locaux professionnels dans lesquels le fonds cédé était exploité, mais comprenait les clients figurant sur une liste nominative annexée, ainsi que les fichiers et dossiers correspondants, le matériel professionnel, les meubles et objets mobiliers figurant aussi sur une liste annexée, les manuels et documentations professionnelles, les archives et dossiers clients dématérialisés, le contrat de travail conclu avec une assistante du cabinet et les travaux en cours à la date de l'acte.

La SARL a placé la plus-value réalisée à cette occasion sous le bénéfice de l’article 238 quindecies du CGI, exonération remise en cause par l’administration fiscale à l’issue d’une vérification de comptabilité.

La société n’ayant pas obtenu gain de cause auprès du tribunal administratif de LYON, elle a porté le litige devant la cour administrative d’appel de LYON.

La cour administrative d’appel de LYON rejette le recours de la SARL et juge que la plus-value de cession de la clientèle ne remplit pas les conditions pour bénéficier de l’exonération prévue à l’article 238 quindecies du CGI dès lors qu’elle ne peut pas être assimilée à la cession d'une branche complète d'activité d'un fonds libéral, même si le transfert du droit au bail des locaux accueillant l'établissement principal de la SARL n'apparaît pas essentiel à l'activité cédée.

Pour trancher en ce sens, les juges du fond ont fait valoir que même si les mandats cédés étaient nominativement identifiés, cette circonstance ne suffisait pas à caractériser une exploitation autonome de l'activité correspondante chez le cédant. À cet effet, ils ont relevé que :

-     la clientèle cédée n’était pas géographiquement distincte du reste de la clientèle ;

-     la SARL étant titulaire du droit de présentation de la clientèle cédée pour l'avoir en partie créée et en partie acquise en 2003 auprès du cessionnaire, cette dernière n’était donc pas dissociable du reste de la clientèle et ne faisait donc pas l'objet d'une exploitation autonome depuis son acquisition jusqu'à sa cession. La clientèle cédée s'intégrait dans un portefeuille se renouvelant en permanence et faisant l'objet d'une exploitation commune.

En outre, les juges ont souligné que la SARL ne justifiait pas que les missions exercées par les assistants ne seraient pas essentielles à la poursuite de l'activité, alors que les termes du contrat de la seule assistante transférée, sur les 18 que comptait la SARL, indiquaient que ses fonctions consistaient notamment à tenir la comptabilité des clients et à suivre les missions de révision des comptes, ainsi que les établissements des états comptables et fiscaux.

2e dispositif : En principe, les plus-values réalisées dans le cadre d'une activité agricole, artisanale, commerciale, industrielle ou libérale par les contribuables dont les recettes n'excèdent pas certains seuils sont exonérées en tout ou partie d’IR, à condition que l'activité ait été exercée à titre professionnel pendant au moins 5 ans et que le bien cédé ne soit pas un terrain à bâtir ou un bien assimilé (article 151 septies du CGI).

Pour bénéficier de l’exonération, l'exercice à titre professionnel de l’activité implique la participation personnelle, directe et continue à l'accomplissement des actes nécessaires à l'activité.

La jurisprudence considère que cette condition exclut les activités mises par le contribuable en location-gérance. La circonstance que le locataire-gérant, qui est une personne distincte, soit contrôlée par le contribuable, propriétaire du fonds, demeure à cet égard sans incidence.

Une récente décision de la cour administrative d’appel de VERSAILLES confirme cette analyse à propos de la cession d’une patientèle donnée en location.

Depuis le 1er janvier 2003, un médecin généraliste exerçait à titre individuel une activité non commerciale de loueur de patientèle. Cette patientèle était louée à la SELARL dont il était l’unique associé et gérant. En contrepartie de l'exploitation de la patientèle, la SELARL versait au médecin une redevance.

Le 1er juillet 2015, le médecin a procédé à la cession de sa patientèle à la SELARL et a placé la plus-value réalisée à cette occasion sous le régime de l’article 151 septies du CGI. À l’occasion d’une vérification de comptabilité, l’administration fiscale a remis en cause l’exonération de cette plus-value. À raison, viennent de trancher les juges du fond.

Les juges du fond considèrent que l’activité de location de patientèle d'un membre d'une profession médicale à une société dont il est le seul associé ne peut pas bénéficier de l’exonération prévue par l’article 151 septies du CGI dès lors que, d’une part, le médecin ne peut être regardé, en tant que loueur de patientèle, comme ayant poursuivi à titre professionnel une activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole et que, d’autre part, il ne peut davantage être considéré comme ayant participé de façon personnelle, directe ou continue à la gestion de cette patientèle, laquelle était exploitée par la SELARL, alors même qu'il était gérant et seul associé de cette société et qu'il y exerçait sa profession de médecin généraliste.

Signalons que les loueurs de fonds sont en revanche éligibles au bénéfice de l'exonération prévue par l'article 238 quindecies du CGI lorsque la valeur des éléments transmis est inférieure à certains seuils.

Sources : CAA LYON 15 décembre 2022, n° 21LY01497 - CAA Marseille 3 mars 2023, n° 21MA04875