11.07.2024

Réduction de capital : attention à l’abus de droit

Une opération de réduction de capital ne doit pas avoir pour objectif qu'une opération fiscale

Afin de réduire leur capital social, les sociétés peuvent décider de procéder à une réduction de leur capital social non motivée par des pertes par voie de rachat de leurs titres suivi de leur annulation.

Cette opération peut permettre à un ou plusieurs associés de sortir entièrement de la société ou de diminuer leur participation ou le montant de celle-ci au sein de la société.

Depuis le 1er janvier 2015, les sommes issues de ce type d’opérations sont imposées entre les mains du contribuable comme étant des plus-values sur valeurs mobilières.

Depuis le 1er janvier 2018, elles sont donc par principe soumise au prélèvement forfaitaire unique de 12.8% ainsi qu’aux prélèvements sociaux de 17.2%, soit une imposition totale de 30%.

Ce thème a été abordé lors de plusieurs affaires.

Affaire n°2023-05 avec avis rendu par le comité de l’abus de droit fiscal

Dans cette affaire, l’associé unique d’une société à responsabilité limitée avait décidé de réduire le capital social de sa société pour le porter de 7 622 € à 3 811 €.

La somme ainsi dégagée avait alors été imposée à l’impôt sur le revenu au barème progressif avec un abattement pour une durée de détention renforcée de 85%.

L’administration fiscale a alors mis en œuvre la procédure de l’abus de droit fiscal en estimant que le rachat de capital avait été effectué dans un but exclusivement fiscal, celui d’éluder l’impôt dû en matière de distributions de dividendes.

A titre de précisions, à l’issue de la réduction de capital social, l’associé unique avait augmenté le capital social pour le porter à 4 000 € avec des réserves.

L’administration fiscale considérait alors que le prix de cession était imposable après un abattement de 40% et non de 85% (les faits s’étant déroulés en 2017, soit avant la mise en place du PFU) et enclenchait une proposition de rectification.

Le comité de l’abus de droit fiscal, saisi de la question, a considéré que le fait pour le contribuable d’utiliser la voie la moins onéreuse fiscalement ne suffisait pas à caractériser un abus de droit.

En effet, l’administration doit normalement démontrer l’existence de l’une des conditions suivantes :

  • soit un montage étant artificiel ;
  • soit une recherche de bénéfice via une application littérale des textes ;
  • soit des décisions à l’encontre des objectifs poursuivis par les auteurs des textes ;

avec pour but d’éluder ou d’atténuer les charges fiscales du contribuable.

Lors du rejet de la procédure, le comité a toutefois souligné le caractère ponctuel de cette opération. On peut s’interroger sur la solution qu’il aurait retenue si l’opération avait été par exemple reproduit plusieurs fois ou de manière régulière.

Attention néanmoins, l’administration fiscale n’est pas tenue de suivre l’avis du comité de l’abus de droit fiscal ce qu’elle a notamment choisi de faire dans l’affaire présentée.

Affaire CAA BORDEAUX 16 avril 2024, n°22BX01822

Dans cette affaire, la société avait réduit son capital social de 7 622 € à 5 214 € par voie de rachat de 158 parts appartenant à 5 des 8 associés suivie de leur annulation. Le prix total de rachat de ces 158 parts s’élevait à 912 888 € (2 408 € de capital et 910 480 € de prélèvements sur les réserves distribuables).

Pour l’administration fiscale, ce rachat avait pour unique objectif la réduction de capital par diminution du nombre de titres, l’opération se traduisant ainsi par une répartition au profit des associés de sommes ayant la nature de dividendes.

La Cour Administrative d’Appel de BORDEAUX a précisé qu’il était constant que les autres réserves n’avaient pas été auparavant réparties et qu’à juste titre, l’administration a estimé que les sommes versées aux associés sortants présentaient le caractère de revenus distribués.

Dans cette procédure, l’administration fiscale n’a même pas saisi le comité de l’abus de droit fiscal et a validé directement sa position pour taxer les sommes en dividendes.

A noter que la solution a également un impact sur la base taxable puisque :

-     pour la plus-value mobilière, il s’agit du prix de remboursement des titres moins leur prix de revient ;

-     pour les dividendes, il s’agit du prix versé.

Sources : avis comité de l’abus de droit fiscalCAA BORDEAUX