Annoncer au salarié qu'une sanction va être demandée au service RH n'est pas une sanction
C'est ce que souligne la Cour de cassation dans un arrêt du 27 mai 2021.
En l’espèce, une salariée est convoquée le 11 avril 2014 à un entretien professionnel par son supérieur hiérarchique. L'entretien est suivi d'un compte rendu établi par ce dernier, listant divers manquements fautifs.
Le compte rendu fait également mention de la volonté du supérieur hiérarchique de demander une sanction à l'encontre de la salariée. Cette dernière est convoquée le 15 avril 2014 à un entretien préalable à une mesure disciplinaire, puis est licenciée pour faute grave le 2 mai 2014.
La salariée engage alors un contentieux, estimant qu'elle avait fait l'objet de deux sanctions pour un même fait, ce qui est contraire à la règle "non bis in idem" applicable en droit du travail.
Un entretien, suivi d'un compte rendu
Dans un premier temps, la cour d'appel lui donne raison et juge que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse. L'employeur conteste en cassation cette décision. Selon lui, "constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l'employeur à la suite d'un agissement du salarié qu'il considère comme fautif, que la volonté de l'employeur d'infliger une sanction doit être claire et non équivoque, que tel n'est pas le cas du compte-rendu d'un entretien de suivi par lequel un supérieur hiérarchique indique au salarié qu'il sollicite une sanction à son encontre auprès du service compétent pour prononcer une telle mesure, en précisant qu'il ignore quelle en sera l'issue".
Le compte rendu d'entretien indiquait bien que la supérieure hiérarchique de la salariée lui avait déclaré ''je vous informe que je demande une sanction à votre égard'' et qu'à la question ''quelle est la sanction ?'', elle avait répondu ''je ne sais pas, la direction et les ressources humaines prennent seules leur décision''.
Dès lors, les juges ne pouvaient pas assimiler cet entretien à une sanction disciplinaire, soutient l'employeur.
Aucune sanction n'a été prononcée lors de cet entretien.
La Cour de cassation, dans un arrêt du 27 mai 2021, confirme cette analyse et rejette l'argumentation juridique de la cour d'appel.
Elle rappelle qu'aux termes de l'article L.1331-1 du code du travail constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l'employeur à la suite d'un agissement du salarié considéré par l'employeur comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non, la présence du salarié dans l'entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération.
Or, le manager qui a tenu l'entretien avait expressément indiqué dans le compte rendu qu'il se limitait à demander une sanction, la décision relevant exclusivement de la direction et du responsable des ressources humaines.
La cour d'appel n'avait dès lors pas pu estimer que la manager exerçant des fonctions de supérieure hiérarchique à l'égard de la salariée se trouvait en capacité de lui délivrer avec l'accord de sa hiérarchie un avertissement.
Une telle solution avait déjà été retenue dans un arrêt du 12 novembre 2015. La Cour de cassation avait estimé que le document rédigé par l'employeur n'était qu'un compte rendu d'un entretien au cours duquel il avait énuméré divers griefs et insuffisances qu'il imputait à la salariée, sans traduire une volonté de sa part de les sanctionner.
A la différence que, dans l'affaire du 25 mai 2021, il y avait bien la volonté de demander une sanction, mais non de la prononcer.
Source : Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 27 mai 2021, 19-15.507, Inédit