17.08.2021

La vidéosurveillance constante du lieu où un salarié travaille seul est disproportionnée


Ce recours doit donc être justifié et proportionné à l'objectif poursuivi par l'employeur. La Cour de cassation est particulièrement vigilante lorsque le système de surveillance a été installé pour contrôler l'activité des salariés.

Nouvelle illustration à travers un arrêt rendu le 23 juin 2021.

En l’espèce, un pizzaïolo fait l'objet d'un avertissement en raison de manquements à ses obligations professionnelles. Son employeur lui reproche en particulier des manquements aux règles relatives à l'hygiène et aux horaires de travail, ainsi que ses absences injustifiées.

Lors de l'annonce de cette sanction, l'employeur notifie au salarié son intention de mettre en place un système de vidéo-surveillance et un registre de contrôle et pointage de ses heures de travail. Quelques mois plus tard, sans évolution positive du comportement du salarié, l'employeur décide de le licencier. Il se base notamment sur des faits qu'il prouve par des images issues de la vidéosurveillance.

Saisie de la licéité de ce licenciement, la cour d'appel reproche à l'employeur une information incomplète sur les finalités de contrôle du dispositif de vidéosurveillance.

Il aurait dû, selon elle, indiquer les personnes destinataires des images ainsi que les modalités concrètes de l’exercice du droit d’accès dont disposent le salarié. Elle décide que les images ne peuvent pas être utilisées contre le salarié.

Dans son dossier sur la vidéoprotection au travail, la Commission nationale informatique et libertés (Cnil) donne en effet la liste des informations à communiquer aux salariés susceptibles d'être filmés par les caméras de vidéosurveillance.

Cette liste comprend :

  • la finalité du traitement installé ;
  • la durée de conservation des images ;
  • le nom ou la qualité et le numéro de téléphone du responsable/délégué à la protection des données personnelles (DPO) ;
  • l'existence de droits "Informatique et libertés" ;
  • le droit d'introduire une réclamation auprès de la Cnil, en précisant ses coordonnées ;
  • la base légale du traitement ;
  • les destinataires des données personnelles, y compris ceux établis hors UE ;
  • et, s'il y en a, les informations complémentaires devant être portées à l'attention de la personne (prise de décision automatisée, profilage, etc.)

Mais la Cour de cassation choisit un autre motif pour fonder sa décision : la proportionnalité de l'utilisation du dispositif.

L'employeur estimait que le placement sous vidéosurveillance de la cuisine du restaurant où travaille le salarié constituait une atteinte à la vie privée justifiée par la nature de la tâche à accomplir et proportionnée au but recherché, c'est-à-dire la sécurité des personnes et des biens.

Or, le salarié était seul à travailler dans la cuisine. Il subissait en conséquence une surveillance constante de la caméra qui y était installée. Dès lors, indique la Cour, les enregistrements issus de ce dispositif de surveillance, attentatoire à la vie personnelle du salarié et disproportionné au but de sécurité des personnes et des biens, n’étaient pas opposables au salarié.

La Cnil considère généralement comme disproportionné le fait de filmer en continu le poste de travail d'un salarié, sauf circonstance particulière tenant, par exemple, à la nature des tâches à accomplir. C'est par exemple le cas lorsque le salarié manipule des objets de grande valeur ou lorsque l'entreprise démontre que des vols ou dégradations ont été commises sur les zones surveillées.

Cette position a été rappelée récemment par la Cnil s'agissant du télétravail : elle indique que la surveillance constante au moyen de dispositifs vidéo (ou audio), tels que des webcams, est excessive.

Un employeur ne peut pas demander à un salarié de garder allumée la visioconférence tout au long de son temps de travail pour s'assurer de sa présence derrière son écran, car des moyens alternatifs moins intrusifs existent.

Source : Cass. Soc, 23 juin 2021.