19.05.2023

Abandon de poste et démission présumée

En cas d'abandon de poste, la démission est désormais présumée

Le décret d’application précisant les modalités à mettre en œuvre est publié au JO depuis le 18/04/23, et la procédure est applicable depuis le 19 avril dernier, un QR du 18/04 du Ministère du travail apportant certaines précisions au présent dispositif :

Pour rappel, afin de limiter le recours à l’abandon de poste par les salariés, la Loi « Marché du travail » du 21/12/2022 a institué une présomption de démission lorsque le salarié abandonne volontairement son poste de travail. Toutefois jusqu’à ce jour nous étions en attente du Décret d’application fixant les formalités à mettre en œuvre par les entreprises souhaitant se prévaloir de la présomption de démission en de tel circonstances.

Le décret d’application du 17/04 est publié au JO et est entré en vigueur depuis le 19 avril dernier. Que par ailleurs le Ministère du travail apporte un certain nombre de précisions dans le cadre d’un Q/R le 18/04 (date de publication du Décret au JO).

Il ressort de ces dispositions :

En cas d’abandon volontaire de poste par un salarié ; l’entreprise qui entend se prévaloir de la démission présumée en de telle circonstance devra mettre en demeure ledit salarié de justifier de son absence et de reprendre son poste dans un délai qu’il fixe au présent courrier ; ce délai devant au minimum être de 15 jours calendaires courant à compter de la date de 1ère présentation du courrier de mise en demeure.

Sur la forme, aux termes du nouvel article L1237-1-1 du code du travail, la mise en demeure est transmise au salarié concerné en recommandé avec Accusé Réception ou remis en main propre contre décharge (à notre sens il convient de plutôt privilégier le courrier recommandé avec AR ; la remise contre décharge étant peu compatible avec la situation d’abandon de poste …).

Et sur le fond ; l’employeur dans sa mise en demeure de justifier son absence et reprendre son poste doit impérativement préciser le délai dans lequel le salarié doit reprendre son poste (minimum 15 j calendaires) ; et préciser que passé ce délai, faute pour le salarié d’avoir repris son poste, celui-ci sera présumé démissionnaire. L’employeur pourra également préciser au salarié quelles seront les conséquences de son refus de reprendre son poste ; à savoir : le salarié sera donc considéré comme démissionnaire, et dès lors n’aura pas droit aux allocations chômage.

En outre, il est également préconisé de préciser, qu’étant présumé démissionnaire le salarié est redevable d’un préavis et que l’exécution de celui-ci doit être organisé ; l’employeur rappelant sur ce dernier point, que le silence du salarié sur l’organisation du préavis peut constituer de sa part une manifestation de son refus d’exécuter ledit préavis, étant précisé que le point de départ du préavis serait alors le terme du délai fixé à compter duquel le salarié est présumé démissionnaire.

Devant le courrier de mise en demeure ; le salarié qui entend se prévaloir d’un motif légitime de nature à faire obstacle à cette présomption de démission, devra répondre à l’employeur dans le délai fixé (15 jours minimum) ; parmi les motifs légitimes prévus par les textes, il peut s’agir notamment :

  • de raisons médicales ;
  • de l'exercice du droit de retrait en cas de danger grave et imminent (c. trav. art. L. 4131-1) ;
  • de l'exercice du droit de grève (c. trav. art. L. 2511-1) ;
  • de son refus d'exécuter une instruction contraire à une réglementation ;
  • de la modification du contrat de travail à l'initiative de l'employeur.

L’emploi du terme « notamment » permet de considérer que cette liste de motivations pouvant justifier une absence n’est pas exhaustive (ex. : harcèlement moral ou sexuel, agression physique ou verbale).

Par ailleurs, mais en l’absence de réponse et/ou la non reprise du salarié dans le délai précité ; le salarié, qui au terme de ce délai sera présumé démissionnaire, pourra contester devant le conseil des prud’hommes la rupture de son contrat de travail intervenue sur le fondement de cette présomption (Article L1237-1-1 du code du Travail) ; cette contestation est portée directement devant le bureau de jugement du conseil des prud’hommes qui devra alors se prononcer sur la nature et les conséquences de cette rupture dans le délai d’1 mois à compter de la saisine.

A noter : si le Q/R apporte effectivement nombre de précisions sur cette nouvelle procédure de démission présumée, il laisse une interrogation quant à la possibilité ou non de licencier le salarié pour abandon de poste. En effet, au QR 1, le Ministère du travail indique que l’employeur qui désire mettre fin à la relation de travail avec le salarié qui a abandonné son poste de travail doit mettre en œuvre la procédure de présomption de démission et qu’il n’a plus vocation à engager une procédure de licenciement pour faute. Par ailleurs, il est précisé que si l’employeur décide de ne pas mettre en demeure son salarié ; dans ce cas le salarié est maintenu dans l’effectif, son contrat de travail est seulement suspendu, et il n’est pas rémunéré.

Toutefois, ce Q/R ne dit pas précisément que l’employeur ne peut plus licencier pour faute ; mais seulement « qu’il n’a plus vocation » à engager une procédure de licenciement pour faute. Certains commentateurs relèvent « par cette formulation ambiguë, le ministère du travail essaie de promouvoir le nouveau dispositif qui a été accueilli plus que fraîchement par les entreprises ou leurs conseils » - ou encore : « Reste à confirmer si la pratique et la jurisprudence avaliseront cette analyse pour le moins inattendue. En effet, ni la loi, ni le décret ne font mention d’une quelconque obligation. Au contraire, leur lecture laisse entendre que ce dispositif ne représente qu’une simple alternative … » - Etant rappelé que ce Q/R du ministère du travail, bien qu’utile pour les précisions qu’il apporte, n’a aucune valeur juridique à l’égard des administrés et des juges.

Source : (Décret N°2023-275 du 17/04/2023, publié au JO le 18/04 et applicable à compter du 19/04/2023)