03.03.2022

Durée du travail : nouvelle exception à la nécessité d’apporter la preuve du préjudice en cas de dépassement

A qui incombe la charge de la preuve en matière de durée du travail ?

C’est ce qu’il ressort d’un arrêt du 26/01/2022. En effet, en dehors de certaines exceptions dégagées par la jurisprudence (par exemple, en cas de mise en place de IRP ou encore atteinte à la vie privée du salarié, ou intérêt collectif de la profession ...), depuis un arrêt du 13/04/2016, un salarié qui saisit le juge doit apporter les éléments de preuve suffisants pour justifier le préjudice qu’il dit avoir subi. C’est ensuite aux juges d’apprécier souverainement la réalité de ce préjudice et d’en évaluer le montant aux fins de réparation.

Or dans cet arrêt du 26/01/2022 ; la Cour de cassation dégage une nouvelle exception ; à savoir le dépassement de la durée maximale hebdomadaire, cause nécessairement un préjudice au salarié concerné. En l’espèce, un salarié demande des dommages-intérêts à son employeur pour violation de la durée maximale du travail. Les juges du fond rejettent sa demande au motif qu’il ne démontre pas de préjudice.

Or la Cour de cassation ne suit pas dans cette argumentation et leur décision est cassée. Pour la chambre sociale, s’appuyant sur l’article L 3121-35 (devenu L 3121-20) du Code du travail interprété à la lumière de l’article 6-b de la directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003, le seul constat du dépassement de la durée maximale de travail ouvre droit à réparation. Pour justifier sa décision, la Cour de cassation rappelle que la CJUE considère que le dépassement de la durée moyenne maximale de travail hebdomadaire fixée à l’article 6-b de la directive 2003/88 constitue en soi une violation de cette disposition sans qu’il soit besoin de démontrer l’existence d’un préjudice spécifique. Le dépassement de la durée moyenne maximale, privant le travailleur d’un repos suffisant, lui cause de ce seul fait un préjudice, dès lors qu’il porte atteinte à sa sécurité et à sa santé (CJUE 14-10-2010 aff. 243/09, points 53 et 54). Par ailleurs, la CJUE renvoie au droit national des États membres le soin de déterminer la forme de réparation de ce dommage par l’octroi de temps libre supplémentaire ou d’une indemnité financière, ainsi que le mode de calcul de cette réparation (CJUE 25-11-2010 aff. 429/09, point 94).

En conséquence, une Cour d’appel ne peut pas débouter un salarié de sa demande de dommages-intérêts pour violation de la durée maximale de travail au motif qu’il n’a pas suffisamment démontré en quoi ce dépassement lui a porté préjudice.

A noter que de l’avis du commentateur : la solution dégagée par la Cour de cassation, si elle concerne la durée maximale de travail de 48 heures, peut être étendue à toutes les limites maximales de travail ou minimales de repos, même en l’absence de jurisprudence européenne portant précisément sur ces limites, dès lors qu’un tel dépassement, le privant d’un repos suffisant, porte atteinte à la sécurité et à la santé du salarié.

Source : Cassation sociale 26/01/2022 – N°20-21.636 F-S