18.04.2023

Indemnités de rupture conventionnelle et de mise à la retraite : ce qui va changer au 1er septembre 2023

Rupture conventionnelle : vers de nouvelles règles du jeu ?

Le projet de loi réformant les retraites, considéré comme définitivement adopté le 20 mars 2023, entend rapprocher le régime social des indemnités de mise à la retraite et de rupture conventionnelle, pour limiter l’effet dissuasif des règles actuelles sur la volonté des entreprises de conserver des seniors. Mais la réforme aboutira aussi à renchérir le coût des ruptures conventionnelles conclus avec des salariés qui ne sont pas en âge de bénéficier d’une pension de vieillesse. Explications.

Adoption définitive

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023, vecteur de la réforme des retraites, est maintenant considéré comme définitivement adopté après le rejet par l’Assemblée nationale des deux motions de censure déposées en réaction au « 49,3 » du gouvernement.

Pour autant, il n’est pas encore en vigueur. Il doit en effet encore franchir l’étape du Conseil constitutionnel, qui sera saisi par l’exécutif lui-même et tout ou partie des oppositions. Ce n’est qu’ensuite que la loi pourra être promulguée et publiée au Journal officiel.

Indemnité de mise à la retraite : régime social plus favorable pour l’employeur

Pour mémoire, un employeur ne peut mettre un salarié à la retraite qu’à partir du moment où celui-ci a atteint l’âge permettant d’obtenir une pension à taux plein même s’il ne remplit pas la condition de durée d’assurance requise, à savoir 67 ans (c. trav. art. L. 1237-5, renvoyant à c. séc. soc. art. L. 351-8, 1°).

Si le salarié a moins de 70 ans, l’employeur doit suivre une procédure spécifique pour s’assurer de son consentement. Dès que le salarié atteint 70 ans, l’employeur peut le mettre à la retraite d’office, sans avoir à respecter cette procédure (c. trav. art. L. 1237-5 et D. 1237-2-1).

L’indemnité de mise à la retraite versée au salarié est exonérée d’impôt sur le revenu, de cotisations et de CSG/CRDS dans certaines limites (CGI art. 80 duodecies1, 4° ; c. séc. soc. art. L. 136-1-1, III, 5° et L. 242-1, II, 7°).

En revanche, l’employeur est redevable d’une contribution spécifique de 50 %, due sur la totalité de l’indemnité (c. séc. soc. art. L. 137-12), y inclus sur sa fraction exonérée de cotisations.

Le projet de loi prévoit, pour les ruptures de contrat intervenant à compter du 1er septembre 2023 (projet de loi, art. 4, II), de supprimer cette contribution de 50 % et de la remplacer par une contribution patronale de 30 % due uniquement sur la fraction d’indemnité exonérée de cotisations (projet de loi, art. 4, I, 2° ; c. séc. soc. art. L. 137-12 modifié).

Indemnité de rupture conventionnelle : un seul régime social de faveur

Actuellement, le régime social de l’indemnité de rupture conventionnelle individuelle (RCI) varie selon que le salarié est ou non en droit de bénéficier d’une pension de vieillesse d’un régime légalement obligatoire :

-si le salarié peut bénéficier d’une pension de vieillesse, l’indemnité est intégralement imposable et, par ricochet, soumise à cotisations et à CSG/CRDS (le forfait social n’est pas dû) ;

-si le salarié ne peut pas bénéficier d’une pension de vieillesse, l’indemnité est exonérée d’impôt sur le revenu, de cotisations et de CSG/CRDS, dans certaines limites (CGI art. 80 duodecies6° ; c. séc. soc. art. L 136-1-1, III, 5° et L. 242-1, II, 7°) ; en revanche, le forfait social est dû au taux de 20 % sur la partie d’indemnité exonérée de cotisations de sécurité sociale (c. séc. soc. art. L. 137-15 ; BOSS, Indemnités de rupture, § 1000, 01/01/2023).

Pour les ruptures de contrat intervenant à compter du 1er septembre 2023 (projet de loi, art. 4, II) :

-l’indemnité sera exonérée de cotisation et de CSG/CRDS dans les limites prévues par la législation sociale, y compris si le salarié est en droit de bénéficier d’une pension de vieillesse d’un régime légalement obligatoire (projet de loi, art. 4, I, 4°) ;

-le forfait social sera remplacé par une contribution patronale de 30 % due sur la fraction d’indemnité exonérée de cotisations (même contribution que sur les indemnités de mise à la retraite, voir ci-avant) (projet de loi, art. 4, I, 2° ; c. séc. soc. art. L. 137-12 modifié).

Sur le plan fiscal, en revanche, rien ne changera. Sauf modification par un autre texte, l’indemnité restera imposable pour les salariés en droit de bénéficier d’une pension de vieillesse, et exonérée dans les limites actuelles pour les autres salariés.

À noter : même si la nouvelle rédaction du 7° du II de l’article L. 242-1 du code de la sécurité sociale peut prêter à confusion, le but est bien, selon nos informations, de prévoir les mêmes limites d’exclusion d’assiette des cotisations de sécurité sociale pour les salariés en droit de bénéficier d’une pension de vieillesse que pour les autres salariés. Seule subsistera une différence de régime fiscal. La Direction de la sécurité sociale clarifiera sans doute la lecture à retenir sur ce point via le BOSS, lorsqu’elle mettre à jour la fiche dédiée aux indemnités de rupture.

Des règles qui entendent corriger un effet pervers sur l’emploi des seniors

L’objectif affiché par le gouvernement est de modifier régime social des indemnités de mise à la retraite et de rupture conventionnelle individuelle, en considérant que les règles en vigueur à l’heure où nous rédigeons ces lignes tendent à inciter les entreprises à ne pas conserver leurs seniors.

À l’heure actuelle, il est en particulier financièrement plus avantageux pour les employeurs de signer une rupture conventionnelle avant l’âge de la retraite qu’après, puisque dans ce dernier cas, l’indemnité de rupture est entièrement assujettie à cotisations.

À partir de septembre 2023, un régime social de faveur s’appliquera quel que soit l’âge du salarié. Au plan fiscal, en revanche, l’indemnité sera imposable si le salarié est en droit de bénéficier d’une pension de vieillesse.

En outre, les indemnités de rupture conventionnelle individuelle et de mise à la retraite seront toutes deux soumises à une contribution spécifique de 30 % sur la fraction exonérée de cotisations. Exit, donc, le forfait social de 20 % sur l’indemnité de rupture conventionnelle, et la contribution de 50 % sur l’indemnité de mise à la retraite.

Des indemnités de rupture conventionnelle individuelles plus onéreuses pour l’entreprise quand le salarié n’est pas en droit de bénéficier d’une pension de vieillesse

Cela étant, il ne faut pas oublier l’autre versant de ce changement, qui aura un impact RH non négligeable : de fait, il contribuera à rendre plus élevé le coût des indemnités de rupture conventionnelle individuelle des salariés qui ne sont pas en âge de partir à la retraite, puisque le forfait social de 20 % sera remplacé par une contribution de 30 %.

Voilà qui tendra à inciter les entreprises à « boucler » d’ici la fin août certains dossiers de rupture conventionnelle qui sont dans les tuyaux ou en projet...

Et pour certains employeurs ou professionnels du conseil, à se repencher sur la formule du « licenciement suivi d'une transaction », en l'état exemptée de forfait social ou de contribution spécifique analogue.

Régime de l’indemnité de mise à la retraite

 

Jusqu’au 31.08.2023

À partir du 1.09.2023

Impôt sur le revenu

Exonérée d’impôt à hauteur du montant le plus élevé entre :

-soit le minimum légal ou conventionnel (1), sans limitation de montant ;

-soit 50 % de l’indemnité ou 2 fois la rémunération annuelle brute du salarié sur l’année civile précédant la rupture, la fraction exonérée au titre de ces critères ne pouvant excéder 5 fois le plafond annuel de la sécurité sociale en vigueur à la date de versement de l’indemnité, soit 219 960 € en 2023.

Cotisations sociales et charges ayant la même assiette

La fraction exonérée d’impôt sur le revenu est exonérée de cotisations, dans la limite de 2 plafonds annuels de la sécurité sociale, soit 87 984 € en 2023 (2).

CSG/CRDS

Assujettie à CSG et à CRDS (sans abattement d’assiette) pour la fraction excédant le minimum légal ou conventionnel et, en tout état de cause, pour la partie soumise à cotisations de sécurité sociale (1) (2) (3).

Contribution patronale spécifique

50 % sur le montant total de l’indemnité (exonérée ou non de cotisations)

30 % sur la fraction de l’indemnité exonérée de cotisations

(1) Le minimum conventionnel est celui prévu par accord professionnel ou interprofessionnel ou par accord de branche, à l’exclusion d’un éventuel accord d’entreprise ou d’établissement.

(2) Les indemnités de rupture du contrat de travail supérieures à 10 fois le montant annuel du plafond de la sécurité sociale sont assujetties à cotisations de sécurité sociale, à CSG et à CRDS ainsi qu’aux charges ayant la même assiette dès le premier euro (c. séc. soc. art. L. 136-2, II, 5° et L. 242-1, II, 7°).

(3) CSG intégralement non déductible lorsqu’elle se rapporte à des sommes exonérées d’impôt et de cotisations de sécurité sociale (BOFiP-RSA-BASE-30-30-§§ 80 et 100-24/07/2017).

Indemnité de rupture conventionnelle individuelle (salariés en droit de bénéficier d’une pension de vieillesse d’un régime de retraite légalement obligatoire)

 

Jusqu’au 31.08.2023

À partir du 1.09.2023

Impôt sur le revenu

Imposable en totalité

Cotisations sociales et charges ayant la même assiette

Assujettie en totalité

Selon nos informations, exonérée de cotisations dans la limite de 2 plafonds annuels de la sécurité sociale (soit 87 984 € en 2023), à hauteur du montant le plus élevé entre (1) :

-soit le minimum légal ou conventionnel (2) de l’indemnité de licenciement, sans limitation de montant ;

-soit 50 % de l’indemnité ou 2 fois la rémunération annuelle brute du salarié sur l’année civile précédant la rupture.

CSG/CRDS

Assujettie en totalité à CSG et à CRDS (sans abattement d’assiette)

Assujettie à CSG et à CRDS (sans abattement d’assiette) pour la fraction excédant le minimum légal ou conventionnel (2) de l’indemnité de licenciement et, en tout état de cause, pour la partie soumise à cotisations de sécurité sociale (1) (3)

Contribution patronale spécifique

-

30 % sur la fraction de l’indemnité exonérée de cotisations

(1) Les indemnités de rupture du contrat de travail supérieures à 10 fois le montant annuel du plafond de la sécurité sociale sont assujetties à cotisations de sécurité sociale, à CSG et à CRDS ainsi qu’aux charges ayant la même assiette dès le premier euro (c. séc. soc. art. L. 136-2, II, 5° et L. 242-1, II, 7°).

(2) Le minimum conventionnel est celui prévu par accord professionnel ou interprofessionnel ou par accord de branche, à l’exclusion d’un éventuel accord d’entreprise ou d’établissement.

(3) CSG intégralement non déductible lorsqu’elle se rapporte à des sommes exonérées d’impôt et de cotisations de sécurité sociale (BOFiP-RSA-BASE-30-30-§§ 80 et 100-24/07/2017).