Loi Partage de la valeur : les deux décrets d’application attendus ont été publiés
Suite à la promulgation de la Loi Partage de la valeur du 29 novembre 2023, qui a été prise afin de transposer l’ANI relatif au partage de la valeur au sein de l’entreprise conclu par les partenaires sociaux en février 2023. Deux décrets d’application étaient attendus pour permettre à la loi d’être complètement applicable. Ces décrets ont été publiés le 29 juin et le 05 juillet 2024.
- Modalités d’affectation de la PPV à un plan d’épargne salariale
La Loi partage de la valeur du 29 novembre 2023 permet aux bénéficiaires d’affecter tout ou partie de leur prime de partage de la valeur (PPV) à un plan d’épargne salariale ou retraite. Les sommes ainsi placées sont exonérées d’impôt sur le revenu. La mise en œuvre de cette faculté était suspendue à l’entrée en vigueur de dispositions réglementaires relatives à l’information des bénéficiaires et aux délais de demande.
Depuis le 1er juillet 2024, suite à la publication du décret du 29 juin, si l’entreprise dispose d’un plan d’épargne salariale ou retraite, chaque somme versée au titre de la PPV doit faire l’objet d’une fiche distincte du bulletin de paie mentionnant :
- Le montant de la PPV attribuée à l’intéressé ;
- S’il y a lieu, la retenue opérée au titre de la CSG-CRDS (la PPV peut en être exonérée dans certains cas) ;
- La possibilité d’affectation de cette somme ;
- Le délai de demande d’affectation, qui est de 15 jours maximum à compter de la réception de cette fiche ;
- Si la PPV est affectée sur un plan, le délai à partir duquel les droits nés de cet investissement seront disponibles ainsi que les cas de déblocage anticipé.
- Versement d’avances sur l’intéressement ou la participation
La loi Partage de la valeur dispose qu’un accord d’intéressement ou de participation peut prévoir le versement, en cours d’exercice, d’avances sur les sommes dues au titre de l’intéressement ou de la réserve spéciale de participation. Le versement de ces avances n’est donc possible que si l’accord le prévoit (1er verrou). Si l’accord le prévoit, des avances pourront donc être versées à condition d’avoir recueilli l’accord des bénéficiaires.
La périodicité de ces avances ne peut être inférieure au trimestre.
Si les droits définitifs s’avèrent être inférieurs à la somme des avances reçues, les sommes trop perçues sont intégralement reversées par le bénéficiaire à l’employeur sous forme d’une retenue sur salaire (retenue d’au plus 1/10 du montant des salaires exigibles).
Si le trop-perçu a été affecté à un plan d’épargne salariale, il ne peut être débloqué. Il devra alors être traité comme un versement volontaire du bénéficiaire et n’ouvrira pas droit aux exonérations fiscales et sociales en principe applicables.
L’entrée en vigueur de ce dispositif était subordonnée à la parution de décrets visant notamment à déterminer les conditions d’information des bénéficiaires.
Le décret du 29 juin 2024, publié au JO le 30 juin, précise que si l’accord d’intéressement ou de participation prévoit le versement d’avances, l’employeur doit informer chaque salarié de cette possibilité et du délai dont il dispose pour donner son accord. En l’absence de précision sur ce délai, le salarié a 15 jours à compter de la réception de la lettre recommandé avec avis de réception ou remise en main propre contre décharge pour donner son accord au versement d’avances. A défaut d’accord express du salarié, il ne peut y avoir d’avances. Les sommes attribuées à un bénéficiaire au titre d’une avance sur intéressement ou participation doit faire l’objet d’une fiche distincte du bulletin de paie.
Le décret du 05 juillet 2024 précise que l’accord d’intéressement et l’accord de participation doivent contenir des informations sur les modalités de recueil de l’accord du salarié sur le versement d’avances et l’impossibilité de débloquer le trop-perçu s’il a été affecté à un plan d’épargne salariale ou son reversement intégral sous forme de retenu sur salaire, en l’absence d’une telle affectation.
- Assimilation du congé paternité et d’accueil de l’enfant à du temps de présence
Les absences pour congé paternité et d’accueil de l’enfant sont assimilées à des périodes de présence lors de la répartition de la participation et de l’intéressement.
A l’instar de ce qui est déjà prévu pour l’intéressement, le décret du 29 juin précise qu’en cas de répartition de la participation proportionnelle au salaire, les salaires à prendre en compte pour la répartition de la réserve spéciale de participation sont ceux qu’aurait perçus le bénéficiaire s’il n’avait pas été absent.
- Trois nouveaux cas de déblocage anticipé pour la participation et le PEE
Le décret du 05 juillet 2024 acte trois nouveaux cas de déblocage anticipé pour la participation. Par renvoi, ils concernent également les plans d’épargne entreprise (PEE). Ces trois nouveaux cas sont :
- Les dépenses affectées à la rénovation énergétique des résidences principales ;
- L’activité de proche aidant exercée par l’intéressé, son conjoint ou partenaire de PACS ;
- L’acquisition d’un véhicule dit « propre ».
- Augmentation du plafond des abondements de l’employeur au PEE en cas de versement unilatérale de l’employeur en vue de l’acquisition d’action de l’entreprise
Pour rappel, le PEE peut notamment être alimenté par l’abondement de l’employeur aux versements personnels des salariés, dans les conditions et limites fixées par le règlement du plan d’épargne. Pour chaque année civile, l’abondement de l’entreprise ne peut pas dépasser, pour chaque bénéficiaire, 8% du montant annuel du plafond de la sécurité sociale (soit 3709,44 € en 2024), dans la limite du triple des versements volontaires de l’intéressé.
Le décret du 05 juillet porte ce plafond à 16% du montant annuel de la sécurité sociale (soit 7418,88 € en 2024) en cas de versement unilatéral de l’employeur en vue de l’acquisition d’actions ou de certificats d’investissements émis par l’entreprise.
- Partage obligatoire de la valeur dans les entreprises d’au moins 11 salariés non tenues de mettre en place la participation réalisant des bénéfices réguliers
La loi du 29 novembre 2023 prévoit de lancer à titre expérimental un partage de la valeur obligatoire dans les entreprises de 11 à moins de 50 salariés lorsqu’elles ont réalisé un bénéfice net fiscal au moins égal à 1% du chiffre d’affaires pendant 3 exercices consécutifs. Par exemple, si l’entreprise a un exercice fiscal calé sur l’année civile, il faudra vérifier si elle a réalisé un bénéfice net fiscal au moins égal à 1% de son chiffre d’affaires en 2022, 2023 et 2024. Si c’est le cas, elle devra mettre en place l’un des dispositifs prévus au titre de l’exercice 2025.
L’Administration précise que ce dispositif ne vise que les entreprises constituées sous forme de société. Cette obligation s’appliquera à compter du 1er janvier 2025 et l’expérimentation durera 5 ans, soit jusqu’au 29 novembre 2028.
Les entreprises de plus de 50 salariés bénéficiant du moratoire de 5 ans avant d’être tenue de mettre en place un régime de participation seront néanmoins tenues de mettre en place un dispositif de partage de la valeur.
Le seuil d’effectif de 11 salariés se calcule suivant les règles d’effectif « sécurité sociale », c’est-à-dire un effectif apprécié au niveau de l’entreprise sur l’année civile précédente, tous établissements confondus. Par dérogation aux règles d’effectif « sécurité sociale », le décret exclut l’application du moratoire de 5 ans en cas de franchissement à la hausse du seuil d’effectif. Une entreprise qui viendrait à franchir le seuil de 11 salariés devra donc se doter d’un dispositif de partage de la valeur, si elle remplit les autres conditions requises, sans bénéficier du moratoire de 5 ans.
Les entreprises disposent de 4 possibilités :
- Soit se doter d’un régime de participation ou d’intéressement selon les modalités prévues par le Code du travail ;
- Soit mettre en place le dispositif expérimental de participation dérogatoire prévu par le Loi Partage de la valeur ;
- Soit abonder un plan d’épargne, mis en place au niveau de l’entreprise ou interentreprises ;
- Soit verser une prime de partage de la valeur.
Les différents dispositifs peuvent être mis en place par une décision unilatérale de l’employeur dans les conditions prévues par les règles spécifiques.
Les entreprises de l’économie sociale et solidaire (personnes morales de droit privé constituées sous forme de fondations ou d’associations, de coopératives, de mutuelles ou d’unions) occupant au moins 11 salariés et qui n’ont pas de bénéfice fiscal net mais un résultat excédentaire au moins égal à 1% de leurs recettes pendant 3 exercices consécutifs sont également soumises à cette obligation, sous réserve qu’un accord de branche étendu le permette.
- Négociation obligatoire sur le partage de la valeur en cas de bénéfice exceptionnel
Les entreprises d'au moins 50 salariés et disposant d'au moins un délégué syndical (DS), tenues de mettre en place un régime de participation, lorsqu'elles instaurent un accord de participation ou d'intéressement ont désormais une nouvelle obligation de négocier. Celles déjà dotées d'un tel accord au moment de la promulgation de la loi sur le partage de la valeur devaient engager ces négociations avant le 30 juin 2024. Ces négociations doivent porter sur la définition de la notion d'augmentation exceptionnelle de leur bénéfice net fiscal et sur les modalités de partage de la valeur avec les salariés.
Ne sont en revanche pas soumises à l'obligation de négocier, les entreprises qui remplissent l'une des trois conditions suivantes :
- elles disposent d'un accord d'intéressement ou de participation comprenant déjà une clause spécifique sur la prise en compte d'une augmentation exceptionnelle des bénéfices et des modalités de partage de la valeur qui en découlent ;
- ou elles disposent d'un accord de participation reposant sur une formule de calcul dérogatoire plus favorable que la formule de calcul légale ;
- ou elles disposent d'un accord spécifique sur la définition d'une augmentation exceptionnelle de leur bénéfice et sur les modalités de partage de la valeur avec les salariés dont la négociation a été engagée avant le 30 juin 2024.
Pour la définition de l'augmentation exceptionnelle du bénéfice net fiscal, l’entreprise prend en compte des critères tels que :
- la taille de l’entreprise ;
- le secteur d’activité ;
- les bénéfices réalisés lors des années précédentes ;
- les événements exceptionnels externes à l’entreprise intervenus avant la réalisation du bénéfice ;
- la survenance d’une ou plusieurs opérations de rachat d’actions de l’entreprise suivie de leur annulation, dès lors que ces opérations n’ont pas été précédées d’attributions gratuites d’actions aux salariés.
En cas d'augmentation exceptionnelle du bénéfice net fiscal de l'entreprise, le partage additionnel de la valeur pourra notamment prendre la forme d'un supplément de participation ou d'intéressement.
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