11.06.2020

Réduction de capital – report des délais


Covid-19 : une réduction de capital peut être réalisée avant l’opposition d’un créancier

Le Ministère de la Justice lève une incertitude concernant la réalisation d'une réduction de capital non motivée par des pertes qui doit intervenir pendant la période d'urgence sanitaire. De manière exceptionnelle et quasi-inédite, un créancier peut former opposition à la réduction de capital alors même que celle-ci a déjà été réalisée.

Adaptation des délais pendant la période d’urgence sanitaire

Suite à l'épidémie de Covid-19, l’ordonnance 2020-306 du 25 mars 2020 a adapté les délais venant à échéance pendant une période juridiquement protégée qui s’étend du 12 mars 2020 jusqu’au 23 juin 2020 inclus.

Sont concernés tous actes ou formalités prescrits par la loi ou le règlement notamment à peine de nullité, sanction, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, irrecevabilité, péremption ou déchéance d’un droit.

Ainsi, ces actes ou formalités devant être accomplis pendant la période juridiquement protégée sont réputés avoir été faits à temps s’ils sont effectués dans un délai qui ne peut excéder, à compter de la fin de cette période, le délai légalement imparti pour agir, dans la limite de 2 mois, soit jusqu’au 23 août 2020 inclus (ord. 2020-306 du 25 mars 2020, art. 1 et 2).

Réduction de capital dans une SA ou une SAS pendant la crise sanitaire

Réduction de capital non motivée par des pertes.

  • Une réduction de capital non motivée par des pertes consiste à rembourser aux associés ou aux actionnaires une partie de leur apport.

Le capital social de la société se trouve ainsi diminué soit par voie d’annulation d’actions, soit par réduction de leur valeur nominale.

Droit d’opposition des créanciers.

  • Les créanciers de la société disposent d’un droit d’opposition à la réduction de capital afin d’obtenir le remboursement de leurs créances ou la constitution de garanties.

Pour ce faire, leur créance doit être antérieure à la date de dépôt au greffe du procès-verbal qui a décidé ou autorisé l’opération de réduction de capital (c. com. art. L. 225-205).

Dans les SA et les SAS, le délai d’opposition des créanciers est de 20 jours à compter de la publicité de l’opération (c. com. art. R. 255-152).

Passé ce délai, l’opposition d’un créancier est sans effet et la réduction de capital peut s’opérer.

Aménagement du délai d’opposition pendant la période juridiquement protégée.

  • Le délai d’opposition du créancier est prescrit à peine de forclusion. Autrement dit, l’opposition ne sera plus recevable après l’expiration du délai pour agir.

En conséquence, le droit d’opposition du créancier peut bénéficier des mesures dérogatoires de l’ordonnance si son action expire pendant la période juridiquement protégée.

Dans ce cas, le créancier peut former opposition jusqu'à 20 jours suivant la fin de la période juridiquement protégée.

Exemple

Un procès-verbal décidant une réduction de capital est publié le 25 mai 2020. Le délai pour former opposition du créancier arrive en principe à expiration le 14 juin 2020 à minuit.

Toutefois et de manière exceptionnelle suite aux mesures prises face à la crise sanitaire, le créancier pourra agir jusqu'au 13 juillet 2020 à minuit ; soit un délai de 20 jours après la date de cessation de la période juridiquement protégée à savoir le 23 juin 2020.

Réalisation effective de la réduction de capital

Délai incompressible de 20 jours dans tous les cas.

  • Les opérations de réduction de capital ne peuvent débuter avant l’expiration du délai d’opposition ou, le cas échéant, avant qu'il ait été statué en première instance sur cette opposition (c. com. art. L. 225-205, al. 3).

Ainsi, le point de départ de la réalisation de l’opération de réduction de capital ne peut commencer qu'à partir de la fin du délai de 20 jours d’opposition des créanciers.

Délai incompressible expirant pendant la période juridiquement protégée.

  • Dans l'hypothèse où l'expiration du délai d'opposition de 20 jours intervient pendant la période juridiquement protégée, quelle est la procédure à suivre ?

En d’autres termes, la difficulté est de savoir si les sociétés ayant l'intention de procéder à une réduction de capital non motivée par des pertes pendant la période juridiquement protégée sont tenues d’attendre le 13 juillet 2020 minuit, soit le délai de 20 jours après la fin de cette période, pour réaliser leur réduction de capital.

Le Ministère de la justice répond par la négative.

Selon lui, les dispositions concernant le délai incompressible de 20 jours ne sont pas prescrites à peine de non-réalisation d’un acte. Les mesures dérogatoires de l’ordonnance ne sont alors pas applicables.

En conséquence, une société décidant de réduire son capital pendant la période juridiquement protégée peut commencer les opérations à l’issue du délai d’opposition de 20 jours, et ce même si l'expiration du délai intervient pendant cette période.

Exemple
En reprenant notre exemple précédant, la société dont la publicité de l'opération a été effectuée le 25 mai 2020 peut réduire son capital à compter du 14 juin 2020 minuit si aucune opposition a été formée, soit après l’expiration du délai de 20 jours de l’opposition des créanciers.

En définitive, le report du terme du délai pour former opposition ne décale pas pour autant la date à compter de laquelle les opérations de réduction de capital peuvent débuter.

Ainsi, et de manière exceptionnelle face à cette crise du Covid-19, l’opposition d’un créancier peut intervenir après l’opération de réduction de capital non motivée par des pertes.

Néanmoins, le créancier a tout de même intérêt à former opposition dans le délai de 20 jours à compter de la publicité de l’opération afin d'obtenir plus aisément le paiement de sa créance.

  • La réponse du Ministère de la justice concerne les réductions de capital dans les SA et les SAS. À notre sens, cette solution est tout à fait transposable aux opérations de réduction de capital non motivée par des pertes réalisées dans les SARL en application des articles L. 223-34 et R. 223-35 du code de commerce, à la différence que le délai d'opposition est d'un mois.

Sources : Ministère de la Justice, direction des affaires civiles et du sceau, fiche pratique du 20 avril 2020 relative à l'ordonnance 2020-306 du 25 mars 2020.