21.01.2021

Cessation d'activité et licenciement d’un salarié protégé : la faute de l'employeur peut être invoquée devant le juge judiciaire


Le contentieux à cet égard est important et complexe dans le domaine du licenciement des salariés protégés. Dans un arrêt du 25 novembre 2020, la Cour de cassation tranche la question concernant le licenciement d'un salarié protégé pour cessation d'activité. Elle rejoint la solution dégagée par le Conseil d'Etat en 2013.

Des salariés protégés licenciés après la cessation d'activité de l'entreprise

En l’espèce, à la suite du placement en liquidation judiciaire de l’entreprise, des salariés protégés sont licenciés par la liquidatrice, après autorisation de l'inspecteur du travail en raison de la cessation d'activité de l'entreprise. Contestant leur licenciement, ces salariés ont saisi le conseil de prud'hommes d'une demande de dommages et intérêts à l'encontre de leur entreprise au titre de la légèreté blâmable de l'employeur. Ils sont déboutés au motif de l'absence de tout préjudice autre que celui découlant de la perte de son emploi qui, d'après le juge du fond, ne saurait être apprécié par les juridictions judiciaires.

Séparation des pouvoirs respectée en matière de cessation d'activité

Au visa de la séparation des pouvoirs, la Chambre sociale précise, pour la première fois, que :

  • il n’appartient pas à l'inspecteur du travail saisi d'une demande d'autorisation de licenciement de rechercher si la cessation d’activité est due à la faute de l’employeur ;
  • la décision d'autorisation de licenciement ne fait donc pas obstacle à ce que le salarié, s’il s’y estime fondé, mette en cause devant les juridictions judiciaires compétentes la responsabilité de l’employeur en demandant réparation des préjudices que lui aurait causés une faute de l’employeur à l’origine de la cessation d’activité, y compris le préjudice résultant de la perte de son emploi.

Alignement avec la jurisprudence du Conseil d'Etat

Si c'est la première fois que la Cour de cassation se prononce sur ce point, le Conseil d'Etat a déjà adopté cette solution depuis 2013, en des termes presque identiques.

Distinction avec le licenciement économique

Dans le cas de la cessation d'activité, il appartient à l'autorité administrative de contrôler que la cessation d'activité de l'entreprise est totale et définitive (outre le contrôle de la procédure, de l'obligation de reclassement et du caractère non-discriminatoire de la demande). Il s'agit d'un motif de licenciement économique autonome. Cependant, dans le cadre d'un licenciement pour motif économique hors cessation d'activité, le contrôle de l'administration est tout autre et comprend notamment la réalité du motif économique (cause économique et effet de celle-ci sur l'emploi du salarié). Or, prendre argument de la faute ou de la légèreté blâmable de l'employeur pour obtenir des dommages et intérêts devant le juge judiciaire revient à contester le motif du licenciement, qui a été contrôlé par l'administration (Cass. soc., 20 sept. 2018, n° 17-11.602). Dans ce cas, la séparation des pouvoirs interdit donc au salarié protégé d'agir sur ce terrain devant le juge judiciaire.

Source : Cass. soc., 25 nov. 2020, n° 18-13.771.