17.05.2018

Refuse de payer des heures supplémentaires à un salarié parce que le salarié abuse de l’utilisation du téléphone de l’entreprise est interdit


Dans cette affaire, une salariée employée comme coiffeuse depuis 15 ans avait demandé la résiliation judiciaire de son contrat de travail parce que son employeur ne lui avait pas payé depuis 3 ans un certain nombre d’heures supplémentaires (56.5 HS pour 826.27 € cumulés). L’employeur refusait de les lui payer parce qu’il estimait qu’elle utilisait abusivement le téléphone de l’entreprise pour des communications personnelles et qu’elle lui serait redevable de 2296.18 €, il avait sanctionné la salariée en compensant cette somme avec les heures supplémentaires qu’il lui devait.

En toute logique,  à tort ont considéré les juges du fonds, puisqu’en procédant de la sorte, cette compensation est illicite  en raison de l’interdiction des sanctions pécuniaires (article L1331-2 du code du travail). Les Juges ont donc fait droit à la demande la salariée en recevant la prise d’acte de rupture de son contrat de travail, considérant qu’en bloquant le paiement des heures supplémentaires par une sanction pécuniaire illégale, l’employeur a commis un manquement suffisamment grave à ses obligations pour empêcher la poursuite du contrat de travail, considérant par ailleurs qu’il était impossible d’imputer à la salariée la charge des communications téléphoniques. La résiliation judiciaire du contrat a donc été prononcée aux torts de l’employeur.

L’employeur a contesté cette décision considérant que la somme qu’il devait au titre des heures supplémentaires était modique et que ça ne pouvait constituer un manquement suffisamment grave pour empêcher la poursuite du contrat.

La cour de cassation a rejeté cet argument et a confirmé «que le refus de payer des heures supplémentaires au motif que la salariée aurait abusivement utilisé le téléphone de l’entreprise, sans en apporter le moindre justificatif, cette compensation imposée étant de surcroît une sanction illégale, constitue un manquement suffisamment grave pour empêcher la poursuite du contrat de travail ».

Si l’abus du téléphone de l’entreprise était avéré et pouvait être justifié par l’employeur, celui-ci aurait dû plutôt user de son pouvoir disciplinaire à l’égard de la salariée, la sanction prise devant être proportionnée à la faute tout se gardant bien de toute retenue à ce titre sur le salaire de sa salariée.

Dans cette affaire cette décision a coûté cher à l’entreprise qui a été condamné au paiement :

  • de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelles et sérieuse (conséquences de la résiliation judiciaire du contrat aux torts de l’entreprise) - 9984€,
  • de l’indemnité de préavis et des congés payés y afférents - environ 3661 €,
  • de l’indemnité de licenciement - 4143.36 €,
  • et du remboursement à Pôle emploi de 6 mois de versement d’allocations chômage,
  • alors qu’en fait il ne devait que 826 € pour les heures supplémentaires ....

Source : Cass.soc. 31 janvier 2018  - N°16-14.619.