04.02.2021

Travail temporaire : obligation de justifier le recours au contrat d’usage


Un salarié est engagé en qualité d’ouvrier docker occasionnel par diverses entreprises de travail temporaire, et mis à disposition d’une société de manutention portuaire au moyen de nombreux contrats de missions d’usage successifs.

L’entreprise utilisatrice embauche par la suite ce salarié par contrats à durée déterminée d’usage successifs. La période de la relation de travail s'est étendue de février 2006 jusqu'à juillet 2014, soit 8 ans au total. A la rupture du dernier contrat, le salarié saisit la juridiction prud’homale afin que sa relation de travail depuis son premier contrat de mission soit requalifiée en contrat à durée indéterminée. Il demande en conséquence que la rupture du contrat de travail soit requalifiée en licenciement abusif.

Conclusion de contrats de mission d’usage successifs

Le recours au travail temporaire est strictement encadré par le Code du travail qui énumère en effet six motifs limitatifs qui permettent de faire appel à des travailleurs temporaires, parmi lesquels l’usage.

La Cour de cassation rappelle que dans les secteurs d’activité définis par décret ou par voie de convention ou d’accord collectif étendu, il peut être fait appel à un salarié temporaire pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire dénommée « mission » pour certains des emplois en relevant, lorsqu’il est d’usage constant de ne pas recourir à un contrat à durée indéterminée. Elle ajoute que des contrats de mission successifs peuvent être conclus avec le même salarié.

Cette condition était remplie en l’espèce puisque la Convention collective nationale de la manutention portuaire prévoyait que « l’activité de manutention portuaire (…) constitue un secteur d’activité ou il est d’usage constant (…) de recourir au contrat de travail à durée déterminée ».

Mais c'est un critère insuffisant selon la Cour de cassation.

Nécessité de justifier, par des éléments concrets, le caractère temporaire de l’emploi

La Cour de cassation rappelle que, pour être régulier, le contrat de mission d'usage doit répondre au principe général posé par le Code du travail selon lequel : « le contrat de mission, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet, ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise utilisatrice ».

Il en résulte, selon la Cour, que le recours à des contrats de missions d’usage impose de vérifier qu'il est justifié par des raisons objectives qui s’entendent de l’existence d’éléments concrets établissant le caractère par nature temporaire de l’emploi.

En l’espèce, l’entreprise utilisatrice estimait que le caractère fluctuant du trafic maritime, de même que la variation continue de la charge d’activité de chargement et de déchargement des navires, suffisaient à caractériser l’existence de raisons objectives établissant le caractère par nature temporaire de l’emploi.

A tort répond la Cour de cassation ; l’appréciation du caractère temporaire de l’emploi doit être faite in concreto. Or l’entreprise utilisatrice n’apportait aucun élément concret permettant d’établir le caractère par nature temporaire de l’emploi. La Haute juridiction approuve par conséquent l’arrêt de la Cour d’Appel ayant requalifié la relation de travail en contrat à durée indéterminée, à compter du premier contrat irrégulier, soit à compter du 16 février 2006.

Source : Cass. soc., 12 nov. 2020, n° 19-11.402.